'est en tant que "Grand Malade" et grâce à la bonté du Capitaine Charles Goruchon, de l'Armée Française, que Papa fut relâché du Camp des Milles le 16 Septembre 1940, le jour avant que le bon capitaine ne fut démissionné de ses fonctions de commandant de ce camp de la honte. Ceux des prisonniers non relâchés, n'ayant où aller, ainsi que les quelques milliers de rescapés républicains de la guerre civile espagnole furent, par la suite, déportés vers les camps de la mort allemands, à l'Est.
A son arrivée en gare de Sainte-Lizaigne, il ressemblait, avec son béret basque et sa musette, à un quelconque prisonnier de guerre français, de ceux qui, en cet automne de 1940, venaient d'être libérés de camps allemands.
En ses mois de détention, il n'avait appris qu'une seule expression en français, "attention à moi!," sans doute le cri souvent répété d'un de ces garde-chiourmes ardéchois qui avaient charge des lieux.
Le retour inespéré et tant attendu de notre père créa cependant un problème majeur, celui de l'hébergement, car les bonnes demoiselles Foerster, Hélène et Marthe, qui avaient jusqu'ici, bénévolement, abrité une femme et deux enfants, ne pouvaient, quant à elles, en aucun cas admettre d'avoir un homme en leur demeure, cela n'était pas de mise et ne se faisait simplement pas.
Voici donc ce malheureux couple et leurs deux enfants, démunis et sans la possibilité de se faire comprendre en la langue des lieux, acculés à errer de par le village à la recherche d'un abri, lequel en désespoir de cause, fut une maison inchauffable et abandonnée. Le cadet des frères, trop malade et trop faible pour se déplacer, dut être "brouetté," enveloppé dans des couvertures, jusqu'à la nouvelle demeure.
Il ne peut y avoir de désespoir plus poignant que celui d'un parent, impuissant, sans faute aucune de sa part, à assurer un bien-être minimum à son enfant, fut-ce en dépit d'une dévotion et d'une abnégation extrêmes.