ébut Novembre 1942 j'écrivis, en ce qui devint ma toute nouvelle langue maternelle—le français—à notre tante Alma laquelle, n'ayant où se refugier, était passivement restée, dans une chambre en sous-location, en notre nouvelle patrie de Sainte Lizaigne, en Berry.
Il est remarquable, avec le recul des ans, de se rendre compte que ce gosse de douze ans que j'étais, avait appris cette nouvelle langue pour lui en un peu plus de deux ans; ceci illustre bien la capacité d'adaptation de jeunes enfants à condition, bien sûr, d'être encouragés par des éducateurs dévoués à leurs charges.
Par la même, par faute de pratique, il semblerait que notre langue maternelle d'origine—la langue allemande—avait été temporairement oubliée.
Il est également remarquable que cette tante Alma Meyer, une des quatre sœurs de notre père, survécut sans être inquiétée en ce village pendant les années d'occupation allemande et de raffles anti-juives en dépit du fait qu'elle ne parlait pas un traître mot de la langue du pays et, ayant été spoliée en Allemagne, ne disposait pour ainsi dire d'aucun avoir.
Mystère ou, simplement, bonté de ces bonnes gens de la France Profonde.
[La référence à Erni, Gitti et Ferdi est à nos amis avec lesquels nous jouions au Luxembourg; "tante" Suzy était leur mère, sans pour autant être notre tante.]