a population était régulièrement agitée en un paroxisme de haine antijuive; à cet effet, des haut-parleurs étaient installés devant chez nous, sur les murs de la mairie d'en face, et l'Autrichien et l'un de ses acolytes, le ministre de la Propagande, le pied-bot Goebbels, péroraient pendant une heure. Il n'en fallait pas plus pour que mes camarades de classe, adhérents au mouvement militariste de jeunesse allemande, les Jeunesses Hitlériennes, "Hitler Jugend" et leur pendant féminin le BDM, le "Bund Deutscher Mädchen" paradent devant notre maison en chantant "Quand le sang Juif giclera de nos couteaux …"
On me laissa regarder ces défilés depuis le perron, notre père répétant sans cesse "N'y fais pas attention. Le peuple est idiot. Ils ne savent pas ce qu'ils disent."
A mon horreur, mon tout premier et meilleur ami, Adi, celui avec lequel j'avais appris à griller des pommes de terre, était au premier rang. Que mon tout meilleur ami Adi puisse être de ceux-là, de ceux qui veulent me voir mort, qui pensent que je n'ai pas le droit de vivre, me laissa perplexe. Une partie de ma mémoire se figea en cette même nano-seconde et resta figée pour un temps.
Depuis ce jour-là, peu de "vraies" amitiés, le genre d'amitié que l'on se fait étant enfant, cette délicieuse amitié faite de confiance réciproque, n'ont été possibles avec un chrétien.